Ma presque soixantaine m'a ramené tôt aux toilettes, ce matin. Encore une fois. Il est 6h15. Je suis surpris par la chaleur et je regarde le ciel. Je me réjouis en contemplant le ciel bleu qui nous avait gâtés durant toute la journée d'hier à Homer.
"Belle journée pour changer de camp et aller à Seward ce matin", pensai-je, ravi de la perspective d'une seconde journée au sec.
Je prends le temps de me faire un bon café chaud et de griller une cigarette tout en admirant la flore verdoyante qui nous entoure. Et...la pluie commence à tomber !? Quelle déception !
"Comment ai-je pu me méprendre à ce point et confondre le ciel", me demandai-je en pensant à l'abri tout mouillé et à l'humidité que nous subirons tout à l'heure dans l'auto alors que nous nous dirigerons vers Seward.
En fait, le ciel n'était pas bleu; il était gris teinté de bleu. Un bleu de pluie sans nuage. Ce que j'avais pris pour l'évaporation matinale qui cachait un ciel bleu n'était, en fait, qu'un triste ciel gris uniforme qui s'apprêtait à délester son eau.
Et je me mets à rêver de mon Québec presqu'inconnu des gens d'ici et dont le ciel n'a plus de cachette. J'envie les journées ensoleillées du Québec et les journées prévisibles de pluie. Je n'ai plus le goût de comprendre les Natives aujourd'hui. Je retournerais chez nous.
Les conditions climatiques sont tellement maussades, ici, que j'essaie, à nouveau, de rationnaliser la présence des humains dans ce pays austère et dur. Les touristes n'ont aucun mérite à venir passer quelques semaines, ici, en été, sous la pluie quotidienne et les grands vents. Ils retourneront dans leurs patelins en se vantant d'être allé dans cette ingrate Alaska. Et ils conteront mille et une histoires toutes plus extravagantes les unes que les autres, vraies ou fausses, pour exagérer leur exploit. D'autres, les résidents saisonniers, retourneront aussi à la maison, en Arizona, au Texas ou en Californie, après avoir fermé leurs maison d'été. Ils ne subiront pas les rigueurs de l'hiver. Ils aiment les étés d'alaska pour deux raisons : les paysages et la faune. Ils sont amateurs de chasse et de pêche et ne prélèvent de l'Alaska que ce qui fait leur affaire. Les centaines de milliers de personnes qui habitent Anchorage, protégées presque douilletement par la proximité des maisons, des gratte-ciels et des édifices gouvernementaux, espéreront l'arrivée hâtive du printemps. Par contre, les Natives des petits villages, eux, passeront un hiver froid, dans la gelure, la face giflée par les grands vents glaciaux. Ce sont eux, surtout, qu'il faut admirer. Quelle combativité et quel instinct de survie !
Oui, il y a des jours en Alaska où on se surprend à rêver de revenir instantannément à la chaleur du Québec. Il y a des jours où on est tanné du froid, de cette pluie incessante, de ces brouillards qui enveloppent personnes et montagnes. On se réjouit parce qu'il pleut moins, un peu, parfois.
Pour l'instant, la pluie s'est remise à tomber et le temps s'est rafraîchi. Mes doigts gèlent sur la tasse à café qui s'est refroidie dans le temps de le dire. J'entre dans la tente-remorque pour me réchauffer quelque peu et me surprends à écrire ce petit texte aussi maussade que la température qui me recouvre le coeur. Je n'ai plus le goût de l'Alaska ce matin. Je n'ai plus le goût de retourner les sourires des Sourdought chaussés de leurs cuissardes, la face cachée par leurs longues chevelures et leurs barbes ébourrifées.
Et pourtant, aujourd'hui, malgré le froid et la pluie, je sais très bien que je me surprendrai, moi aussi, à admirer ces paysages magnifiques et majestueux, ponctués d'orignaux, de loups, de wapitis et de cerfs. Je sais que les chaleureux Alaskans m'arracheront un sourire.
C'est encore un petit oiseau qui m'a fait sourire en premier ce matin en déposant un baiser sur mes lèvres.
Danielle, souriante, me demande "Puis, comment çà va ce matin ?"
- "Bof", fais-je, en m'efforçant de lui rendre son sourire. "Il pleut encore et j'étais en train d'écrire un petit texte vide-coeur" que je lui lis.
- "C'est un bon texte", évalue-t-elle.
- "On le publie ?", lui demandai-je.
- "Ben oui, çà fait partie du voyage !"
"Allez", me dis-je, "Il faut s'accrocher..."
Gilles
Touchant et intéressant.
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