On était campé à Eagle River Provincial Park près d'Anchorage, là où les ours ont décocrissé les poubelles.
3h00 du matin : je me réveille. J'étais brûlé la veille et je me suis couché vers 20h30. Après 6h00 de sommeil, c'était inévitable, fallait que je me réveille. J'avais espéré filer jusque vers 6h00 du matin. Ben non, 3h00 du matin, réveillé ben raide.
En dehors de la tente-remorque, il fait froid comme d'habitude : entre 8 et 12 degrés. Je m'habille en multi-couches : un T-shirt, un 2e T-shirt, un 3e gilet à manche longue puis un gilet de coton ouaté à capuchon, paire de jeans, bas épais et espadrilles doublées. Le froid me saisit quand même quand je sors dehors et je suis surpris de la noirceur de la nuit. À Fairbanks, le jour était omniprésent mais, ici, le soleil se couche vers minuit tente et se lève vers 4h00 du matin.
Vite, un café chaud pour me réchauffer au plus crisse. J'utilise une lampe de poche pour m'éclairer car on est "en autonome" ici. Pas d'électricité et je veux ménager la batterie. Cé pas le temps de partir la génératrice en plein milieu de la nuit.
Pendant que le café commence à chauffer, j'en profite pour aller au "pit toilet". Ostie que çà chlingue là-dedans ! Pis les fesses te collent tout le temps sur le banc qui est toujours humide. Enfin, çé fait... pis je retourne au camp.
Je dézippe la porte avant de l'abri extérieur dressé juste à côté de la tente-remorque et j'allume une bougie que je place sur la table à pique-nique. Au moins, je vais être à l'abri du vent. Je me verse une tasse de café bien chaud, je récupère 2 lampes de lecture portatives, j'allume une cigarette et je m'installe tout au fond de l'abri pour lire un livre de sculpture en attendant que Danielle se réveille... dans 3 ou 4 heures !!! C'est quand même plaisant de profiter de ce moment de quiétude et de silence.
Je ne suis pas installé depuis 20 minutes que j'entends comme un renâclement à l'extérieur !? Je m'inquiète et je tends l'oreille. Silence... J'ai imaginé sans doute. Je me replonge dans ma lecture. Mais, alors que je m'apprête à éteindre mon mégot de cigarette, je lève les yeux et, HORREUR, j'aperçois une énorme masse sombre devant la porte de l'abri : un ÉNORME grizzli passe, très lentement, le nez au sol, devant la tente. Le coeur me fait 3 tours. Je panique, figé.
Y m'as-tu vu ? Que çé qu'y fait là ??? Y m'a pas vu ??? Je ne sais pas quoi faire. Je n'ai aucune arme. L'ostie de poivre de cayenne est resté dans la tente-remorque, bien entendu. Le tisonnier est à côté de l'emplacement du feu de camp, de l'autre côté de l'ours. Je freak vraiment. Que çé que l'ours va faire ? Y vas-tu continuer ? Y va-tu me voir ? Comment çà se fait qu'y m'a pas senti ??? Je suis coincé comme un rat. L'abri est fermé des 3 côtés. J'essaie de contrôler ma peur et me dit qu'il va continuer son chemin. Mais là... il tressaute : il vient de sentir ma fumée de cigarette. Il recule, me regarde, se met à branler la tête de gauche à droite en retroussant ses babines. Là, là... je panique ben raide. Il vient de comprendre que j'étais là et... il s'avance vers moi en me regardant la tête basse, hypocritement, en renâclant. Là, chus dans la marde. Pas à peu près. L'idée me vient de faire comme dans les livres. Je me lève lentement de ma chaise, lève les bras dans les airs pour me montrer "gros" et lui parle lentement. Mais... que çé qu'on dit à un ours qui s'apprête à vous bouffer ????
- Hééé....Héééé....Héééé ! fais-je doucement. Fais attention à ce que tu vas faire là, lui dis-je d'une voix stressée.
Il doit sûrement se rendre compte de ma nervosité car il continue d'avancer lentement en se dodelinant la tête et me regardant un peu de côté maintenant. Le truc marche pas. Je m'en rends compte et... je panique. Je me baisse rapidement maintenant et dézippe la porte arrière sans le quitter des yeux. Vous dire que j'ai eu la chienne... c'est rien. C'est fait : je sors par en arrière !!! Mais lui... yé dans la tente maintenant. Là, çà se précipite. Je cours rapidement autour de l'abri et va me saisir du tisonnier pendant que j'entends la tente brasser. L'épais va tout décâlissé !!!
J'ai pas pensé un instant à Danielle qui dormait dans la tente-remorque. Je voulais d'abord survivre. Égoïste mais... cé çà !
Ausitôt que j'ai senti la poignée du tisonnier dans ma main, j'ai senti l'adrénaline monter et j'ai senti que tout était possible maintenant. Là, je me suis dit : Mon tabarnak, asteure, tu vas en manger une câlisse ! Cé pas un tisonnier ordinaire : c'est plutôt une barre de fer en forme de tisonnier qu'on avait acheté en Ontario au tout début du voyage. Çà faisait des années que je voulais m'acheter un bon tisonnier pis là, j'en avais trouvé un. C'est à cet instant que, pour la première fois, j'ai pensé à Danielle. Fallait pas qu'elle reste dans la tente-remorque. J'ai pensé à la boite de nourriture qu'on avait laissé dans la tente-remorque. S'il fallait que l'ours décide de rentrer là-dedans...
Mais v'la l'ours qui sort de l'abri. Y m'a pas suivi par en arrière. Y s'est juste reviré et il sort par où il était rentré.
Je me suis reculé, ai levé à nouveau les bras dans les airs avec le tisonnier pour essayer de l'intimider mais... rien à faire... il vient maintenant vers moi.
Au diable de me coucher à terre et de faire le mort, j'ai serré le tisonnier et je l'ai frappé aussi fort que j'ai pu en plein sur le museau. Ostie qu'y a levé !!!!! J'ai été surpris.
Et là, en même temps, j'entends une voix plaintive qui dit :
- Ayoye ! Maudit, Gilles, que çé que tu fais là ?
C'était...Danielle ????
J'étais déboussolé. Je me demandais ce qu'elle faisait là. Je ne savais plus quoi faire : retaper l'ours ou regarder ce que Danielle était en train de faire ?
Alors que la confusion augmentait, je l'ai encore entendu dire :
- T'es-tu en train de rêver, toé là ?
- Hein ?
Ostie. J'étais mêlé ben raide. Le temps que les idées se replacent et... ben oui, je venais de faire un cauchemar.
Danielle m'a regardé, l'air amusé, pendant que, confondu, je me suis retourné dans le lit, un peu gêné, le coeur battant, essouflé mais, enfin... libéré.
- Tu m'as donné un coup de coude dans le front, se plaint-elle maintenant.
J'avais rêvé.
Maudit Alaska ! Y a pas à dire... çà travaille le subconscient !
Ben oui. Çà y est ! C'est arrivé : j'ai dû me défendre contre un ours... dans mon sommeil.
:-)
Gilles
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Ha mon %?%$$/%?? tu m'as vraiment eu j'avais vraiment peur tsé!!! :)
RépondreSupprimerTu as bien raison d'avoir eu peur. Moi aussi j'ai peur depuis que j'ai lu le texte de Gilles. Un bon coup, il va me prendre pour un vrai ours ou une ourse...
RépondreSupprimerDanielle
Mort de rire ! :-)
RépondreSupprimerÇà, c'est rien. J'ai pas conté encore ce qui est arrivé à Banff, lorsque j'ai vu les "casiers à ours" (ce sont des casiers en acier dans lesquels les Rangers nous demandent de remiser notre bouffe, le soir).
Nous avions acheté 2 bombonnes de poivre de cayenne (comme tous les experts nous suggéraient de faire). Sur l'étiquette, c'était marqué : il est fortement suggéré de pratiquer au moins une fois avant de s'en servir.
Je m'attendais, à tout instant, à voir arriver un ours mais... y en avait pas. Mais, à Banff, y avait des tonnes de "ground squirrel" (chiens de prairie) qui venaient bouffer dans nos mains. Un soir, alors que Danielle s'apitoyait sur une de ces "mignonnes petites bebittes" et que la bombonne de cayenne était sur la table à pique-nique. Il me vint une idée : vous me voyez venir, là, hein ?
Je regardais le petit truc que Danielle cajolait et, sans bouger la tête, je lorgnais, pensivement, vers la bombonne de cayenne. Plus çà allait et plus je me disais que... peut-être...
Et bien... ce soir-là, je me suis rendu compte que j'avais un contrôle de moi-même assez exceptionnel. En tout cas, je vous jure que cé pas moi qui ai poivré le "ground squirrel". Un maniaque, selon le Ranger, avait poivré un "ground squirrel" sur le site 155 pour tester sa bombonne. C'était pas rare qu'il disait. Nous, nous avions le site 156. Tout le terrain de camping était en émoi.
C'est pour montrer qu'il arrive toutes sortes de choses, comme çà, en voyage.
Gilles
Gilles, tu as vraiment du talent d'ecrivain: j'ai cru a ton histoire d'ours jusqu'a la fin. Vos bonnes photos et ce que vous ecrivez me permettent d'en apprendre plus et d'apprecier ces beaux coins de pays...c'est un voyage virtuel interessant.
RépondreSupprimerHAHAHAAHA!
RépondreSupprimerJ'avous j'ai marché moi aussi. Jul aussi d'ailleurs quand je lui ais fait lire.
Pourquoi ça me surprend pas vraiment...