Çà y est : on a atteint le Cercle arctique ! Nous avons franchi le latitude 66. Nous sommes dans l'Arctique, un rêve que je caressais depuis longtemps. Nous sommes, ce soir, dans un hôtel d'Inuvik. Un hôtel ? Ben oui, sacrament, un hôtel !!! On a dû se délester de la tente-remorque pour se rendre ici. Toute une aventure ! Je vous raconte...
D'abord, on s'était bien préparé pour faire la route du Nord qui s'appelle la Dempster Highway, la route la plus terrifiante au Canada. Pourquoi ? Plus de 860 km de route de gravel, de terre, de boue et de moraine de glacier. Pas d'alsphalte ici. La route est si longue que la température change constamment. Vous commencez dans le beau temps, vous rencontrez des orages, de la pluie, du vent, en fait, toutes les températures. Et çà... c'est seulement pour monter à Inuvik... Il faut redescendre après... en un seul morceau !
On s'était bien préparé que je disais: j'avais recouvert le devant de la tente-remorque et tous les orifices de tapis bien collés pour éviter que la gravel ne vienne "sandblaster" la remorque (photo). On avait un pneu de rechange car rares sont les véhicules qui ne font pas de crevaison dans cette trail. 1720 kilomètres, aller-retour... çà laisse des traces sur l'équipement...
Le début de la route était fait de grosses roches. Çà sautait assez dans l'auto que la moumoutte me faisait le tour de la tête. Vitesse : 50km / heure. Quelques kilomètres dans le calcium blanc (photo) qu'ils ont étalé sur la route pour diminuer la poussière. Quelques heures après le départ, un violent orage nous atteint et... crevaison. Shit ! Bon, pas si grave, sauf que le fichu pneu de secours est coincé sous l'auto par la boue et les pierres. Deux heures passent sous la pluie sans réussir à dégager le fichu pneu. Et ici, la loi l'oblige, quand quelqu'un est en rade sur le bord de la route, tu dois t'arrêter et l'aider : c'est une question de survie car il n'y a pas de communication et il n'y a personne sur la route. Oubliez le cellulaire. Deux motocyclistes passent et nous offrent leur aide. Çà ne marche pas non plus. Je dois couper le cable de retenue du pneu de secours pour le libérer. Clic ! C'est fait. Petite photo de tout le monde crottés par la boue sous l'auto, remerciements, rigolades, bouteille de vin, souhaits de bonne chance et, on repart, les uns les autres.
On poursuit le chemin, un peu nerveux, car il nous reste 130 kilomètres avant d'arriver à notre premier campement sur la Dempster, là où un garagiste peut réparer le pneu crevé. Mais 5 kilomètres plus loin : Bang ! Le derrière de l'auto s'écrase à terre : le pneu de secours vient de crever lui aussi mais, là, c'est plus sérieux. Le pneu avait été mal installé à cause de la boue. Le pneu crève, les studs de roue sont strippés, la roue part dans la forêt boréale en route pour je ne sais pas où avec... le Brake Drum en prime. Tabarnak ! Le derrière de l'auto s'effondre. Je maintiens l'auto sur la route. Je m'arrête. Regarde et constate l'ampleur des dégâts : je n'ai plus de roue. Je ne sais pas où elle est allée. Hééé Oooh !! Quelqu'un a vu passer une roue ? Je n'ai plus de pneu de rechange. Je pense que là, là, on est "dans la marde" pis, pas à peu près. Faut trouver un moyen de s'en sortir !
Une heure plus tard, un couple d'Inuvik passent en camion et nous promettent, rendus à Dawson City, de contacter une remorqueuse pour venir nous chercher. On aura de l'aide, demain, peut-être, car il faut 6 heures pour se rendre ici. On s'installe donc la tente-remorque et on campe sur le bord de la route. Danielle s'inquiète : et s'ils ne faisaient pas le message ? Le monsieur, là, était pas à jeun. Y était rond comme un oeuf. Y vas-tu s'en souvenir quand y va arriver à Dawson le lendemain ? Moi, l'adrénaline me stimule. C'est l'fun. On est en situation de survie. J'aime çà !!!??? (malade).
Le lendemain après-midi, 2 gars du Maintenance Department passent en camion et nous aperçoivent : ils ont une radio onde-courte (CB). Je leur demande s'ils peuvent contacter les garages de Dawson pour savoir si quelqu'un a transmis notre message de détresse. Deux heures plus tard, c'est affirmatif. Le seul garagiste de Dawson a bien reçu un message d'un couple disant que nous étions en rade sur le bord de la Demster à environ la distance Québec-Montréal dans le bois. Il va venir nous remorquer... dans 2 jours, s'il a le temps. Shit ! On a pas fini de camper sur le bord de la route. Une chance qu'on a de la bouffe, de l'eau et de l'énergie avec la génératrice et du gaz en masse pour la faire marcher. Pis une une chance qu'on avait la tente-remorque pour s'héberger.
C'est le vide total ! Il pleut et il pleut. Il passe une auto à chaque 2 heures environ. Do you need help ? Are you OK ?
Danielle fulmine à chaque fois que je réponds "Yes, we need help but we are OK. Somebody is supposed to have given our message to a mechanic at Dawson City and we will get help tomorrow or, maybe, a little bit later. We have food, we have water, we have energy and we have sex too. All is right ! ". Tout le monde rit. Et les autos repartent nous laissant seuls. De temps à autre, un sadique ralentit, le temps de prendre une photo avec un grand smile dans la face. On doit attendre. Rien d'autre à faire. Je réconforte Danielle qui, avec les heures, a apprivoisé la situation maintenant. Elle a fait preuve d'un courage remarquable, je dois dire. Ce qui l'inquiétait, c'est qu'on avait pas de confirmation pour la remorqueuse.
On évalue qu'on peut tenir environ une semaine. Après çà, va falloir attraper du lièvre, du poisson pis manger des racines ! :-)
Je fais des recherches le long du chemin dans les marécages et réussit à trouver la roue de secours crevé et le brakedrum à différents endroits. Simonak ! Je sais pas combien d'heures j'ai passé à chercher ces pièces-là ! Enfin, je les ai. Le brake drum n'est pas brisé mais la roue de secours est scrap ainsi que les studs de roue. On a vraiment besoin d'une remorqueuse-là. Et je calcule... remorquage : 600 $ minimum, drum brake : 300 $, 2 roues de secours : 600 $, les studs.... Une crevaison sur la Dempster nous coûtera environ 1500 $ à part le temps du mécano qui prendra 6 heures à nous rejoindre. Shit ! Le voyage vient de changer d'allure et je désespère d'atteindre le cercle polaire. Il faudra retourner à Dawson et poursuivre notre route vers Québec.
À la 3e journée, le mécano se pointe alors que j'étais parti à la pêche et taquiner les ours (pour passer le temps). Je rapplique quand j'entends son klaxon. Il a amené tout ce qu'il fallait pour réparer sur place, le brave homme. Et il a une roue usagée mais... pas de roue de secours. Bon ! Faut faire avec ! Il répare. 1 heure plus tard, il nous demande : êtes-vous membre du CAA ? Oui, réponds-je. Ben..., me répond l'autre, y paient tout sauf les pièces usgées que j'ai amenés. Çà va vous couter 150 $ !
Hourra ! Je l'aurais embrassé ! Mais 3 autres problèmes se posent maintenant : 1- nous ne pouvons revenir sur Dawson City car c'est trop loin. L'autre n'a apporté qu'une seule roue et nous devons rouler jusqu'à Eagle Plains sans filet de secours sur cette roue qui bouffe des pneus en un temps record. Nous devons poursuivre pour avoir un autre pneu de secours. 2- On n'a plus d'essence pour se rendre à Dawson. On a épuisé nos bidons de réserve. 3- Je dois revenir à Québec pour la fin de septembre et le temps commence à nous manquer.
Et les rares camions que nous rencontrons nous disent que la route est encore plus mauvaise vers Eagle Plains. Mais, nous n'avons vraiment pas le choix : nous devons continuer jusqu'à Eagle Plains pour avoir un autre pneu de secours et de l'essence.
La route est boueuse. Çà glisse, çà dérape, les roues avant virent dans le vide bien souvent mais... on réussit à se rendre à Eagle Plains. Le garage d'Eagle Plains n'était pas équipé pour faire des réparations lourdes mais on a réussi à acheter un nouveau pneu car celui qu'on avait crevé avait 5 trous dans la semelle et était irréparable. Tant qu'à faire un flat, aussi bien en faire un bon...On a eu de l'essence. Faut maintenant reviser notre situation : on redesdend à Dawson ou on continue dans le nord. Décision : on continue. Moi, c'était mon rêve.
Et nous voilà reparti après une nuit de repos dans cet endroit perdu. Direction Inuvik mais, cette fois, on décide de se délester de la tente-remorque pour alléger l'arrière de l'auto ! On la laisse à Eagle Plains et on la reprendra en revenant. On enlève de l'équipement dans le coffre du van. Comme çà, on n'aura moins de chance de faire de crevaisons et on sera plus agile dans la route boueuse. On se prendra un hôtel à Inuvik pour une nuit ou deux.
La route entre Eagle Plains et Inuvik était beaucoup plus belle que la première partie. Quelques dizaines de kilomètres pas faciles mais, en bout de ligne, elle était meilleure. Et, pour ajouter, les paysages et la faune étaient superbes. Nous avons pris quelques photos pour vous montrer les paysages, les hordes de chevaux sauvages et de caribous qui courraient à nos côtés le long de la route. Certaines chaines de montagnes demeurent gelées en permanence à cause du permafrost; elles sont blanches (photo). Un vrai safari ! Fascinant ! La grande aventure dans tous ses sens ! On se sent vivre à la puissance 10.
Et bien... nous nous sommes à Inuvik. Il fait jour 24 heures sur 24. Tout le temps.
Nous sommes arrivés vers 18h00 et j'écris ce message à partir de la chambre d'hôtel. Demain, on visitera mais on sait déjà qu'il n'y a pas grand chose à visiter ici à part quelques boutiques de sculptures et de souvenirs. Les croisières et les voyages d'avion pour explorer la région coûtent trop chers. On sait déjà qu'on repartira demain pour récupérer notre tente-remorque à Eagle Plains. On pourra partir plus tard car, de toute façon, il fait toujours clair. Et... on espère que le voyage de retour vers Dawson se fera sans problème mais... vous comprendrez qu'on est un peu nerveux. Il y a de bonnes chances qu'on ait des surprises en redescendant. En tout cas, on a bien hâte de revoir l'alsphalte de Dawson... dans 860 kilomètres encore.
Le prochain message se fera dans 3 ou 4 jours si tout va bien (pas de crevaison, pas de bris sur l'auto ou sur la tente-remorque...) Sinon, ben... quand on se sera sorti de la merde à nouveau. :-)
À tantôt !
Gilles
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